jeudi 11 août 2016

Le regard en art thérapie - 2ème partie


Le besoin d’extimité

Durant mes interventions en CSAPA[1], j’ai pu voir à travers le médium théâtre (improvisations théâtrales et clown) toute l’étendue de la complexité du regard en art thérapie.    
Je rencontre un jeune homme, que je nommerai ici Alban, lettré et aimant utiliser les mots afin de faire rires les autres. Il présente une image de lui plutôt cabotine et sympathique. Il n’a semble-t-il pas, de prime abord, peur du regard et de l’attention de l’autre puisqu’il les convoque à chaque fois qu’il sort une blague. Il est, ce que je pourrais appeler, un clown dans sa vie de tous les jours. J’ai pensé, en le rencontrant la première fois, qu’il n’aurait aucun mal avec le médium théâtre.

Lorsqu’il se retrouva sur scène, sous le regard de ses camarades de vie commune, ses défenses se mirent en marche de manière très perceptible. En effet, lui qui était généralement maitre de son humour, choisissant ses mots et ses termes, se retrouva, lors des échauffements corporels en cercle, à rire au moindre geste qu’on lui demandait de faire. A commenter, parfois intempestivement, la moindre des propositions de l’intervenante.

Lors des improvisations, Alban continua à se protéger par le rire. Moqueries sur lui-même uniquement. Il n’était pas dans le refus de l’atelier, du cadre, il était plutôt dans un refus de lui-même, de ce qu’il produisait. Son imaginaire est très réactif et il arrive à le développer sur scène, mais dès qu’il prenait du recul sur ce qu’il venait de produire verbalement ou physiquement, son auto-jugement mettait fin à sa création.

            Alban, durant les 5 ou 6 premiers ateliers, me dit qu’il n’arrivait pas à jouer, qu’il n’était pas « bon ». En accueillant ses mots, et sans contredire son point de vu négatif sur lui-même, je notais qu’il y avait une grande différence entre sa production artistique et le regard qu’il en avait. De même, il y avait un fossé entre le Alban taquin, semble-t-il sûr de lui et de sa capacité à faire rire les autres, et le Alban mal dans sa peau sous le regard de ses compagnons.
A la fin d’une séance, après 2 mois d’atelier, il s’exprime en ces termes : « Le regard des autres me fait peur. Je rigole, pas pour me moquer de l’atelier, mais parce que je me protège, parce que je suis gêné. Je me sens ridicule et j’ai toujours des images qui me viennent en tête, où on me filmerait en train de faire les exercices et plus tard mes enfants se moqueraient de moi. »

            Le jeune homme exprimait clairement sa contradiction. Il se dit lui-même blagueur mais là, dans l’atelier, n’étant plus à la barre des propositions, ses défenses était mise à jour. Le regard des autres lui donnait de la contenance, un appui et une assurance. Il contrôle l’image qu’il leur envoie de lui-même. Or, dans la création artistique théâtrale, il est question d’utiliser d’autres images de soi, de présenter des archétypes de personnages, plus ou moins éloignés de soi. Et c’est là qu’il y a eu une levée des défenses chez Alban. Ne donnant plus une image de lui validée par lui-même, mais la créant dans l’instant, durant le processus de création, il fut déstabilisé. Et lui qui semblait si sûr de lui, passant par l’humour et l’autodérision, était en fait dans une estime de lui-même assez fragile et où le regard de l’autre, lorsqu’il n’était plus orienté, pouvait rapidement être perçu comme néfaste.


En aparté, je note également ici qu’il faut toujours être vigilant dans les raccourcis évidents que nous pouvons prendre dans nos accompagnements. Rentrer dans le jeu de la personne à rire de ses blagues, à lui proposer des créations qu’en lien avec son cabotinage, etc. De même aujourd’hui, je ne pense pas que le théâtre était un bon médium artistique pour lui. De prime abord, c’est ce qu’il m’avait semblé le plus approprié. Mais alors qu’il avait un rapport particulier au regard de l’autre, il aurait peut-être mieux valu passer d’abord par un médium ou le regard des autres est moins présent. Tels que les arts plastiques ou l’écriture. Et ensuite, peut-être, revenir sur le médium théâtral. Un travail aurait alors déjà été amorcé sur le regard de soi à soi, dans l’intériorité et dans l’intime, avant de se risquer de nouveau au regard du groupe. Ou bien, proposer une autre forme de théâtre. Où il n’y aurait pas de présentation d’improvisation, mais d’avantage une recherche intérieure de personnages.


            Serges Tisseron a longuement écrit sur ce désir ambiguë de ce montrer et de se cacher. Il utilise les termes d’intimité et d’extimité[2]. Celui d’intimité est le plus connu. Il désigne le besoin et le désir, qui nait au cours de la quatrième année chez l’enfant, d’avoir une partie de soi qui peut être dissimulée. Cela arrive généralement avec la création de mensonges. L’enfant comprend que ce qu’il vit intérieurement est différent des autres personnes. De cette différence va naître le désir de cacher, de garder pour soi, les ressentis qui organiseront sa vision personnelle du monde. L’intimité, au-delà de l’espace privé auquel elle est souvent associée, concerne un vécu intérieur, propre à chacun et que l’on ne désire pas montrer.

Serge Tisseron la compare à l’extimité, qui serait donc son opposée. Ce désir de se montrer serait antérieur à celui de l’intimité. Le nourrisson ne se sent exister qu’à travers le regard de sa mère, à travers ses réactions à ses cris ou ses gazouillis. Il ne vit donc durant ses premières années qu’à travers des projections faites sur sa « mère suffisamment bonne[3] » qui répondra à ses stimuli. L’enveloppe psychique de l’enfant n’est pas assez développée pour qu’il puisse intégrer les éléments de la vie extérieure. Il s’accroche donc au regard et aux réactions de sa mère – ses parents – afin d’intégrer les évènements qui surviennent[4]. Il va rentrer petit à petit dans un jeu de questions-réponses. Devenant destinateur des réactions de sa mère, il va comprendre que ce qu’il fait, ce qu’il donne à voir, lui est renvoyer. Ce renvoie peut être différent de ce qu’il attendait, et cette différence va aider son enveloppe psychique, son Moi à se construire. Il prend conscience de l’altérité du monde. Que sa volonté n’est pas magique, elle n’agit pas impérieusement le monde mais est soumises aux règles de celui-ci et au bon vouloir des personnes qui l’entourent. C’est le début de la notion d’extimité. Il n’est cependant pas question ici de celle que nous connaissons adultes. Ce terme s’applique réellement, pour moi, lorsque la construction de l’intime est faite.

L’extimité est donc le besoin de montrer une image de soi à l’Autre afin de présenter notre différence mais également afin qu’elle nous soit renvoyée, nous offrant alors une nouvelle information sur nous-mêmes. Serge Tisseron explique ce phénomène ainsi : « Il est pour nous le processus par lequel des fragments du soi intime sont proposés au regard d’autrui afin d’être validés. (…) Le désir d’extimité est inséparable du désir de se rencontrer soi-même à travers l’autre et d’une prise de risques.[5] » Nous sommes donc ici très proche de la définition de l’empathie, déjà évoquée dans la première partie de mes recherches sur le regard en art thérapie.

                Pour l’accompagnement en art thérapie avec le médium théâtre, il était question dans mon exemple, d’essayer diverses identités afin d’expérimenter ensuite l’effet produit, en retour donc, du regard du public. Le regard n’est alors pas sur la personne qui joue, ici Alban, mais sur l’image du personnage interprété. Le regard de l’Autre est alors modifié et la personne qui a l’habitude de se vivre à travers ce regard, de s’y conformer, est déstabilisée. Le théâtre a permis pour Alban de modifier son regard sur lui-même. Ainsi, il est normal qu’Alban, revenant sur sa création, n’ait qu’une image négative de lui-même. Il n’est plus dans une position de confort où il connait et gère l’image qu’il donne de lui-même et l’image retour que les autres lui renvoient.

Ainsi, l’art thérapeute, par son accompagne et par la création artistique, va permettre à une personne ayant une image figée et/ou négative d’elle-même, de rompre ce cercle vicieux, de ne donner à voir que ce qu’elle pense connaître d’elle-même. L’introduction du jeu et de la création artistique amène un nouveau regard des autres à soi mais également, de soi à soi.

                Je continuerai ma réflexion sur les présentations d’œuvres créées en ateliers d’art thérapie. Aujourd’hui, mon avis sur la question est partagé. Cependant, les points que je viens de faire sur le désir d’intimité et d’extimité et sur l’empathie kinesthésique, m’emmène vers une nouvelle réflexion sur laquelle je me penche actuellement et dont je vous ferais un compte rendu prochainement.  :) 

To be continued…
Mathilde Pérignon




[1] Centre de Soins, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie
[2] Serge Tisseron, Intimité et Extimité – Communications, Culture Numérique, 2011. www.cairn.info
[3] Concept créé et développé par Donald Winnicott, cours sur La Symbolisation, entre autre.
[4] Concept de Bion, l’Inconscient dans les Groupes.
[5] Intimité et Extimité, Serge Tisseron, page 84 -85

jeudi 28 juillet 2016

Un peu de détente






Voici un petit Power Point que j'ai réalisé il y a maintenant 3 mois et que j'avais déjà diffusé sur les réseaux sociaux.

Il est important de savoir rire de soi même :) 

"Un sujet normal est quelqu'un qui se met dans la position de ne pas prendre au sérieux la plus grand part de son discours intérieur."
Jacques Lacan


Le regard en Art Thérapie - 1ère Partie

  

  L'Empathie Kinesthésique

 Je traiterai dans cet article la notion d'empathie kinesthésique à travers le regard. Je développerai dans un futur article cette même notion mais cette fois-ci à travers la mise à distance de sa création et du décentrement de soi, qui s'oppère en art thérapie.

     L'empathie kinesthésique est un terme développé par Christine Leroy dans son écrit Corps mouvant « charnel » et phénoménologie de l’empathie kinesthésique[1]La kinesthésie fait référence à une sensation de mouvement à l’intérieur de la personne. Elle va au-delà du mouvement interne, ou des micros stimuli musculaires que le corps produits lorsqu’il assiste à un autre corps en action. Ces stimuli sont la cause et non la conséquence de ce phénomène neurologique. La kinesthésie concerne également l’affect émotionnel (é-motion, source de mouvement). C. Leroy parle d’empathie en relation avec la construction de l’enfant qui, en regardant ses parents, va se construire. Dans cet aller-retour à lui, l’enfant va apprendre de ses propres ressentis, va se différencier de l’Autre, et va ainsi construire son enveloppe psychique. 

C.Leroy développe la réflexion du mouvement, présent chez l’acteur tout comme chez le spectateur. Elle parle d’une transmission d’une émotion de corps à corps, dans un métalangage passant non pas par les mots, mais par la perception et l’imprégnation de ce que le regard voit du corps du regardé. Ce phénomène est ce que Christine Leroy appelle l’empathie kinesthésique[2]
Ainsi, par notre regard sur l’autre – encore faut-il que ce regard soit suffisamment ouvert – nous allons apprendre de nous et continuer à évoluer. C’est ce que l’on appelle également l’intersubjectivité, d’avantage utilisée par Merleau-Ponty, et qui désigne ce phénomène qui va permettre de comprendre et de connaître, à travers l’autre, sa propre manière d’exister
En théâtre, l'un des médiums que j'utilise le plus dans mes accompagnements en art thrapie, le spectateur vit ce phénomène, à travers les personnages dépeints sur scène. Le corps de l’artiste n’étant alors qu’une image réflexive du corps du spectateur. Je parle bien évidemment ici de l'image réflexive qui se fait psychiquement et inconsciemment. Dans notre vie de tout les jours, nous vivons continuellement  ces allers-retours à soi. Je vous invite à prendre le temps parfois de revenir à vous et de voir ce que votre corps, par de micro mouvements ou par des ptits spasmes musculaires, réagit à ce que vous voyez. (Devant un film d'action ça marche très bien! )

Lors de mon accompagnement de jeunes adultes en situation de poly handicap, utilisant la danse-contact, j’avais déjà observé l’effet de l’empathie kinesthésique. Pour la plus part, il leur était impossible de marcher. L’atelier permettait à ces personnes d’appréhender leur corps non pas par le handicap mais par leurs capacités propres. Réduites, certes, mais s’ouvrant sur de nouveaux champs d’expériences. Ainsi, il y avait dans l’atelier presque autant de danseurs que de personnes en situation de handicap. Dans chaque improvisation dansée, il y avait au moins un danseur et une personne handicapée. Les participants étaient comme happés par la présence et les propositions de ces "corps autres", ayant d’avantage de possibilités. J’observais des réactions inconscientes se produire physiquement chez les participants. Je dirais même, qu’elles étaient le moteur pour une nouvelle découverte d’eux-mêmes
Les participants observaient beaucoup, et suivaient les mouvements des danseurs et de l’art thérapeute. A leur manière. Ils étaient comme absorbées par ce que les intervenants proposaient. Alors qu’il y avait beaucoup de mouvements, de cris et de fuitent vers l’extérieur dans les temps informels, lorsque les participants rentraient en observation, le silence se faisait. Leur corps réagissait naturellement à ce qu’il voyait. Les personnes ne s’en rendaient pas compte.
Il y eu d’abord un cheminement intérieur, où leur production artistique extérieure n’existait quasiment pas. Il y eu une production intérieure, à partir de l’expérience du regard[3]. J’ai observé plus particulièrement chez un participant des micros mouvements physiques, alors que son regard était plongé dans la création dansée proposée par les danseurs. Ce processus sembla développer une confiance et un sentiment capacitaire chez cette personne car elle osa, après plusieurs mois d’observation et d’intersubjectivité, produire des mouvements dansés.

     Ces temps de regard en atelier peuvent être assimilés à un positionnement d’acteur-spectateur. Le cadre étant bien évidemment différent que dans une salle de spectacle, je dirais que l’empathie kinesthésique y est exacerbée, grâce entre autre au transfert que le participant fait envers l’art thérapeute. En parlant de l’expérience d’empathie kinesthésique durant un spectacle de danse ou de théâtre, Christine Leroy emploie ces termes : « Le spectateur dont l’attention est, tout entière, tendue vers la scène, s’éprouve comme «  chair » vécue et mue au travers de l’interprète qui se fait support de la tension – et de l’attention - du spectateur. (…) Le spectateur vise intentionnellement l’interprète, et c’est dans cette visée que sa chair propre de spectateur se performe, s’actualise en une « forme » aux contours flous. » [4]
Par contours flous, j’entends ici, la remise en question de nos propres capacités et peut être même de nos défenses. Je comprends également que notre regard sur notre propre corps peut être amené à se modifier. Ainsi, une personne en situation de handicap, s’étant toujours vue étiquetée comme tel, va effectuer, inconsciemment, un décentrement par rapport à cette perception intime. Ainsi, j’ai pu observer durant ce stage une nette évolution des mouvements et de la confiance en soi des personnes accompagnées. 
Les premières productions des jeunes en situation de handicap étaient des tentatives de copies des mouvements des danseurs et de l’art thérapeute. La copie est, pour moi, un passage nécessaire pour aller vers une découverte de leurs capacités motrices et artistique. C’est un appui. Il n’y a peut-être pas alors de création artistique à proprement parlé. Cependant il y a une recherche, il y a une tentative et il y a une découverte. Après plusieurs mois d'intervention, j’observe qu’après avoir expérimenté la copie du mouvement d’autrui, le regard des participants changeait. Ce dernier se tournait alors d’avantage vers eux même. Et, après avoir était dans l’empathie kinesthésique des corps des autres danseurs, ces jeunes commençaient à entrer dans l’éprouvé intime de le corps.


     En art thérapie, le regard ne doit pas être seulement considéré comme un sens, mais bel et bien comme un support d’accompagnement en médiation artistique. Je continuerai ma réflexion en m’appuyant sur une nouvelle citation de Christine Leroy toujours, tiré maintenant de son livre Empathie Kinesthésique, danse-contact-improvisation et danse-théâtre  :  "L’épreuve empathique ne se restreint donc pas au domaine esthétique : toute communication affective inter-humaine est susceptible de générer de l’empathie ; c’est précisément parce qu’il est prédisposé à l’empathie que l’humain peut communiquer, par identification charnelle à la chair d’autrui, auquel il n’a cependant, paradoxalement, jamais véritablement accès. De sorte que, si l’on suit Édith Stein [5],(...) l’émotion de l’autre ne renvoie en dernière instance qu’à moi-même". 

To be continued... 
Mathilde Pérignon





[1] Corps Mouvants « charnel » et Phénoménologie de l’empathie kinesthésique, Christine Leroy revue Synergie Pays Riverains de la Baltiques n°8, 2011, pages 45 à 52
[2] Empathie, du grec ancien em signifiant « à l’intérieur » et pathos signifiant « ce qui est éprouvé » et kinesthésie du grec kinesis signifiant « mouvement » et aisthesis : « sensibilité »)
[3] Notion du Non-faire, l'accompagnement en art thérapie ne passe parfois pas immédiatement par la création. certaines personnes ont besoin d'un temps d'observation afin qu'intérieurement, les premiers changements s'oppère. Je développerai dans un futur article cette notion.
[4] Empathie Kinesthésique, danse-contact-improvisation et danse-théâtre, de Christine Leroy, texte publiée sur le site www.cairn.info, extrait du livre STAPS, éditions De Boeck Supérieur, 2013.
[5] Edith Stein, également Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, enseignante et philosophe, ayant développé la réflexion sur l’empathie.

lundi 18 avril 2016

Notes de ma Conférence sur le Mouvement en Art Thérapie - Welcome Bazar - Lagny sur Marne - 17/04/16


Conférence sur le mouvement en Art Thérapie

Présentation

En formation d’art thérapie à l’INECAT. Comédienne et peintre. Licence de mise en scène et de scénographie et Beaux-arts de Poitiers. Exerce en EHPAD, avec des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, en addictologie en CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Préventions en Addictologie) ainsi qu’en CMPA (Centre Médico Pédagogique pour Adolescents). J’utilise principalement les arts plastiques, le théâtre et la danse dans mes accompagnements.

·        L’art thérapie ce n’est pas :
-Du coloriage. Pas d’interprétation des œuvres. Pas dans l’esthétique. Pas dans la performance.

·        Aparté rapide sur les cahiers coloriages et « mandalas » en vente sous le nom d’art thérapie : Le coloriage peut détendre, c’est bien, mais pour que thérapie il y ait, il faut la présence d’un thérapeute. Ce serait comme lire un livre de développement personnel et dire que nous avons fait une psychanalyse…

·        Mandala, utilisé en art thérapie, introduit en occident et en thérapie par le psychanalyste C. G. Jung. Seulement, il n’est pas question que coloriage, de remplissage esthétique et sans dépasser. Très scolaire en soi.

·         Je reviendrais plus tard sur mon utilisation du mandala. (Proposition d’aller lire mon article sur mon blog).

- L’art thérapeute est lui-même en mouvement. Il accompagne la personne dans son voyage avec elle-même et donc dans son mouvement intime et intérieur. Cela passe par l’utilisation des différents médiums artistiques.

- L’art thérapeute est dans l’instant présent et dans le mouvement de chaque personne qu’il accompagne en thérapie. 


Le Mouvement intime dans l’accompagnement en ArtThérapie


La personne devient objet de sa souffrance

·        La personne n’est pas capable de se différencier de sa souffrance et de cette image négative qu’elle s’est construite. Sa souffrance, prenant le pas sur toute sa vie, sur sa relation au monde et aux autres, devient empirique. Elle est partout où la personne pose les yeux et se projette.   

Objet : Chose que l’on prend, que l’on déplace, que l’on utilise, et qui n’a pas de réaction propre.         

Fait partie de la phase où la personne, prenant conscience de sa souffrance, décide d’entamer une thérapie et de se faire aider pour cela. Point de départ de l’accompagnement.


La personne devient sujet de sa souffrance.

·        Par ses créations, elle va prendre en main l’énonciation, le récit qu’elle fait d’elle-même. Elle prend un peu de recul sur son ressenti et ce qu’elle vit.

·        L’émergence de ces formes sera toujours dans le symptôme mais en les exprimant symboliquement dans ses œuvres, la personne va peu à peu mettre de la distance entre elle et sa souffrance.

·        Elle va pouvoir observer ses productions. Le regard induit de la distance. Nous ne pouvons voir entièrement une forme si nous sommes à l’intérieur, ici la souffrance. Dessiner une forme et l’observer, va développer cette prise de distance. A soi, dans un premier temps. Et ensuite, logiquement, avec l’objet de souffrance.

·        De cette nouvelle distance va pouvoir naître une discussion. Entre la personne et sa création. Avec l’introduction de ce duo (création et personne), cette dernière ne se retrouve plus dans un échange auto-analytique. C’est-à-dire qu’elle rompt le cercle vicieux dont elle était habituée. L’art thérapeute la fait doucement avancer dans cette découverte d’elle-même à travers ses créations.  

·        Il est nécessaire d’avoir une tierce personne dans cet échange afin de ne pas retomber dans un cercle vicieux. La personne pouvant faire l’analyse erronée de ses productions. L’art thérapeute, avec sa vision extérieure (et de professionnelle) va accompagner la personne là où elle ne se pensait pas.

·        L’art thérapeute est un médiateur, c’est-à-dire qu’il intervient pour faciliter la communication et pour faire avancer le dialogue. Ici, de la personne à elle-même. Le discours n’étant pas parlé mais créatif.


La personne devient sujet de ses créations.

·        Nous arrivons à la fin du processus de création. Après avoir exprimé son mal être, sa souffrance, ses troubles dans ses créations, la personne se reconstruit. Elle apprend à vivre sans le récit dont elle était l’objet.

·        Il n’est pas rare qu’à ce moment-là, la personne se surprenne elle-même dans ses créations. Comme si des formes, des mouvements, émergés d’elle et qu’elle les découvrait une fois « posés » devant elle. C’est la rencontre de soi à travers la création. C’est une partie d’elle-même qui s’exprime enfin, libérée de toute cette souffrance qui la maintenait muette. 

·        Le rôle de l’art thérapeute va alors d’accompagner la création de nouvelles bases solides. Travailler sur l’estime de soi, la narcissisation, le rapport au monde et à l’Autre, etc. Son travail va être d’aider la personne à se reconstruire une image narcissique positive d’elle-même.
Nous retrouvons le mouvement de ces 3 étapes dans les créations artistiques des personnes accompagnées en art thérapie.

Vignette de Mme P.


·        Résumé d’un suivit. Présentation de différentes productions afin de montrer le mouvement intime et physique de la personne durant son accompagnement. Présentation des moments clés et charnières de l’accompagnement.

·        Je ne divulgue pas le nom de la personne accompagnée pour conserver son anonymat, mesure nécessaire et déontologique.

·        Formes prédessinées, faites pour être dépassées et comme support de départ. La personne est prête à passer à la feuille blanche lorsqu’elle dépasse et s’approprie l’espace. Le cadre de mon atelier est basé sur le dépassement du cadre  (pour ces personnes à qui l’on répète qu’elles ne sont plus capables à cause de l’âge et de la maladie. Permet de sortir de cette image négative d’elles-mêmes qu’elles se sont appropriées)


1.     Au début : Mme P. ne veut pas créer. Elle me dit qu’elle ne sait pas, qu’elle n’a jamais su. « Je ne suis bonne à rien ». On voit clairement qu’elle est objet de sa souffrance, ici l’image de sa maladie et que lui donne la société. Se plaint de douleurs. Reste cependant en atelier avec nous et observe les autres. Déjà beaucoup, et un mouvement intime commence déjà à ce moment-là.


2.     

Un jour, alors qu’il manque une participante, elle se saisit de la feuille de la personne absente. Nous faisons un premier travail de mémoire sur la prise en main du feutre, le nom des couleurs. Ses mouvements sont petits et hésitants. Les formes dessinées sont aussi là pour être dépassées.


3.     

Là, elle dépasse franchement. Elle ne respecte plus le cadre du dessin. Elle s’est approprié  le mandala. A passer outre les formes pré-dessinées. Ses mouvements sont plus amples, un peu plus fluide mais toujours hésitant. Elle est prête à passer à la création de son mandala.


4.     

Exercice des 4 saisons. Cercle séparé en 4 parties, chacune correspondant à une saison, dans le sens où le veut la personne. Le but à ce moment-là, que je ne divulgue pas à la personne, et de faire en sorte qu’au fur et à mesure des ateliers, elle finisse par dépasser le cadre du cercle. Nous voyons ici qu’elle est toujours hésitante pour ce qui est de remplir entièrement le cercle. Elle se plaint soudain de douleurs physiques et ne veut plus créer. Elle se lève et part. Pendant plusieurs ateliers, nous continuons ce genre d’exercices.


5.     

Dépassement du cercle. Point charnière dans l’accompagnement. Madame P. se redresse sur sa chaise et son regard se fait plus perçant et vif.


6.     

Utilisation de nouvelles couleurs. Madame P. est plus active corporellement. Ses gestes sont plus vifs et mesurés/calculés et elle est davantage décidée dans les choix qu’elle fait. 
Première création où elle remplit totalement la feuille. Il s’ensuivra plusieurs. Je constate que cela arrive souvent. Cela fait partie de la découverte d’une partie méconnue, oubliée, de soi, dont je parlais juste avant. La personne devient ici Sujet de sa Souffrance.



7.     

Autre création dense. Madame P. peint avec frénésie, rapidement, deux ou 3 création par atelier. Elle a retrouvé son équilibre et son sourire.


8.     

Nous voyons ici l’apparition de détails. De petits pointillés. Elle est également revenue à un dessin qui ne prenait pas toute la feuille. Ce mouvement d’ouverture « extrême » et de retour à une forme plus petite était nécessaire dans cet accompagnement. Ses mouvements sont plus lents mais mesurés et souples.


9.     

Nous arrivons enfin à la dernière étape de l’accompagnement. La personne comme sujet de sa création. Madame P. me fait quelque récit de ce qu’elle vient de créer. Il y a beaucoup de mouvement. De couleur. C’est un tableau, dans le sens de présentation d’une scène.


10.             

Ici, Madame P. utilise le blanc de la feuille. Elle n’en a plus peur, ce n’est plus simplement du vide, c’est une matière maitrisée et nécessaire à sa création.


11.                       

Je finis sur ce dessin de Madame P. Beaucoup de mouvement. Le tableau est composé de plusieurs espaces qui s’articulent les uns aux autres.


Je remercie Le Welcome Bazar pour son accueil. 

Mathilde Pérignon

lundi 21 mars 2016

Nous, Spectacle d'Anatoli Vlassov


Je suis Nous comme Toi

Nous

Qui sommes-nous ?
Nous c’est quoi ?
Qu’est-ce que Nous ?

Nous

Cela implique Je et Tu
Tu impliques Il ou Elle
 Je implique peut-être aussi Tu et du coup, Il et Elle
Nous, c’est une question
Une affirmation
Une idée

Si je ne sais pas qui Tu es, y a-t-il un Nous ?
Si Tu ne sais pas qui Je suis, le Nous tombe-t-il à l’eau ?
Si Je ne sais pas qui Je suis, y aura-t-il un jour un Nous ?

Nous

Si il y a Nous, Je ne suis pas Toi et Tu n’es pas Moi
Le Nous nous lie
Le nous-pont
Le nous -fil
Le nous-trait d’union
Différent dans nos différences connues
Identiques dans nos identités inconnues


Nous

Le Nous-regard
Appui
Reconnaissance de Toi
Dé-connaissance de Soi
Co-naissance du Nous
Regard comme rencontre
Graine du Nous

Nous 

Je n’est pas Toi
Tu n’est pas Moi
Nous est un Autre
Toi + Moi fait 1

Nous 

Nous-spectacle
Regardant les regardés
Les regardés regardant
Public au regard tourné
Sur Soi
Sur Nous
Découvrant le Nous
Se dé-couvrant en Nous
S’ouvrant à Tu
Ouvrant le Je

Nous

Regard demandant la distance
Frère ennemi de lui-même
Liant-déliant
Du Nous
Nous-spectacle
Découverte de Je dans ma différence à Tu


Spectacle Nous d'Anatoli Vlassov, présenté aux Chapiteaux Turbulents. Cette création, réalisée par des performeurs autistes nous questionne sur nous-même, sur notre relation à l'autre, sur notre jugement que nous portons sur les différences et, sur nos propres différences. Le regard y est également questionné. L'Humain aussi. Pour ce qu'il est, avec un grand H. Au delà des différences. Spectacle très actuel, ne questionnant pas seulement notre rapport au handicap mais également notre rapport à l'Autre, nous guidant jusqu'à l'autre en nous.

"Connais-tu ton voisin migrant?"

Connaissons-nous nous même? Qu'est ce qui chez l'autre nous fait peur? Qu'est ce qui nous fait peur en nous même à travers le regard de l'autre? 
Ce spectacle, visuellement et émotionnellement très fort, invite à un questionnement de soi à soi, et de soi à l'autre. 

Merci et chapeau bas les artistes !



 Source Image : http://www.turbulences.eu/