Pour beaucoup, le mandala est un
ensemble de formes présentes dans un cercle que nous colorions à notre guise
dans le but de nous détendre. Nous voyons dans les kiosques, les librairies,
les grandes surfaces, se multiplier ce genre d’ouvrages, traduisant au passage
le désir actuel, toujours en constante évolution, qu’ont les occidentaux d’aller
vers un bien-être intérieur.
Je n’ai rien contre le coloriage.
Le souci est que ces livres se nomment abusivement « art thérapie ».
Dans le milieu de l’art thérapie,
nous utilisons effectivement les mandalas pour permettre aux personnes accompagnées
de se recentrer sur elle-même et sur les troubles qu’elles peuvent vivre, et
par la même, pouvoir les surpasser. Dans ce milieu, donc, la commercialisation
de ces ouvrages est vu d’un mauvais œil car le titre « Art Thérapie »
y est toujours apposé, réduisant ainsi la définition de notre métier à du
préfabriqué. La thérapie, quel qu’elle soit, se joue dans la relation patient-thérapeute,
dans le transfert que la personne accompagnée fait sur le thérapeute et, en art
thérapie en plus, sur sa production. Sans cette relation interpersonnelle, nous ne pouvons parler de thérapeutique.
Ces livres de coloriages devraient
être traités comme des ouvrages de développements personnels, que l’on retrouve
également en grand nombre. Il n’est pas question de thérapie à proprement
parlé, mais de quête de bien-être et de calme intérieur. Une personne lisant un
livre sur le développement personnel ne s’attendra pas aux mêmes résultats qu’une
thérapie de trois ans. Elle peut se sentir soulagée, détendue, peut-être même
trouvera-t-elle certaines réponses à ses questions. Car même s’il n’est pas
question de travail thérapeutique à travers ses ouvrages, le passage de la
personne d’état d’objet à l’état de sujet (dans le sens« d’objet de ses
souffrances », où elle ne fait que les subir sans pouvoir agir) est
bénéfique. Sujet, elle fait le choix d’affronter ce qui ne va pas et d’aller
vers un mieux-être.
Elle ressentira cependant ce même
bénéfice à travers toutes utilisations d’arts, plastique ou non. C’est la
création artistique qui l’a fera retrouver son calme intérieur. C’est n’est
donc pas de l’art thérapie mais de l’art tout court. L’utilisation de ses
ouvrages est bénéfique donc, mais ce n’est pas de l’art thérapie et le médium
du mandala n’est pas utilisé à sa juste valeur. Ce n’est qu’un prétexte
marketing. Cette appellation abusive des éditeurs en recherches de bénéfices
maintient la confusion autour de l’art thérapie.
Mais alors, le mandala c’est quoi ?
Cela ne vient pas du très estimé
Nelson Mandala, comme on me le demande souvent… Cela ne vient pas non plus exclusivement
du Tibet et du bouddhisme (même si le nom est en sanskrit « मण्डल »), comme on me
demande moins souvent. Explication…
En toute modestie pour cet art
que je pratique, il existe depuis le paléolithique. On ne parle évidemment pas de
mandala. A cette époque, des cercles de terre au centre creux étaient disposés
dans les sépultures. Il en est de même, des millénaires plus tard, dans la
mythologie égyptienne, puis grecque, araméenne, latine, maya, aztèque, indienne,
eurasienne. L’humanité, dans ses évolutions et dans ses cultures riches et
multiples, a toujours utilisé les mandalas. Dans nos cathédrales en occidents,
les rosaces qui ornent les tympans en font parties.
Tour à tour dans l’histoire de l’humanité,
il fût associé à la puissance féminine, à la
création du monde, à la puissance de l’Univers ou de la Nature, où rien ne se perd
et ou rien n’est exclu. Durant le 20eme siècle, il fut analysé comme une image
archétype du symbole de Soi. C’est Carl Gustav Jung (psychiatre, fondateur de la psychologie analytique), qui se
pencha le premier sur cette pratique oubliée en Occident mais toujours très
présente en Asie, et plus précisément au Tibet. Et voilà pourquoi la présence de
ce mot sanskrit sur les étalages de nos librairies. Jung parlait, et il en est
de même chez les thérapeutes, de figures
centrées. Le centre, le point référent évoqué au-dessus, traduit alors la
position de la personne vis-à-vis de l’extérieur et de l’univers qui l’entoure.
Cette figure est universelle,
dans le sens littéral. Le centre présente l’axe du monde (axis mundi) autour duquel les éléments tournent et s’organisent. Le
point au centre est le repaire, d’où
tout part et vers où tout revient. Il est l’élément qui ne bouge pas quand le
cercle tourne.
Le contour, l’extrémité du
mandala, est une délimitation vers un extérieur parfois trop vaste. Je dis bien
le contour car un mandala n’est pas forcément un cercle, il peut avoir d’innombrables
cotés. Le mandala tibétain, puisque nous vulgarisons ce terme, en possède une
multitude : carré, triangle, losange.
Le mandala, de son terme
bouddhiste, est une création éphémère en 3D réalisée en sables colorés que les
moines mettent parfois des semaines à réaliser sur le sol, pour ensuite le
détruire. Ils soulignent ainsi l’inconstance de l’univers. Sa réalisation s’accompagne
d’un état méditatif. Le mandala, également appelé Kalachakra (la roue du temps)
représente le temple du Dieu Vajrasattva, dans lequel doivent figurer les
quelques 722 divinités bouddhistes (qui a dit que le bouddhisme était une religion
simple ?). Les moines doivent au préalable méditer sur chaque divinité,
sur chaque parcelle du temple et sur chacun de ses étages, avant de le réaliser.
Il est dit que la création de ce Kalachakra est un moyen plus « rapide »
d’atteindre l’Eveil. Ceci est un résumé très succinct de cette pratique religieuse.
Nous voyons bien ici que le terme
mandala est utilisé abusivement.
Au-delà donc du coloriage, la
réalisation du mandala fait écho au Soi, à l’intime. Et pour en développer les
bénéfices, il est préférable de partir de nous-mêmes et donc de ne pas faire que
du remplissage. Commencer par une couleur (jamais de noir pour commencer, ni de
crayon pour prédéfinir les formes) et laissez votre main aller sur le papier.
Ne décidez de rien. N’essayez pas de figurer quelque chose. Laissez-vous vous
surprendre, ce sera le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire.
Bien souvent, quand un mandala se
commence, la personne veut dessiner ceci ou cela, mais ce n’est jamais à la hauteur
de ses exigences. C’est en cela que les formes prédéfinies peuvent handicaper :
elles peuvent aider mais enferment rapidement, ne permettant pas l’émergence de
la créativité. Comme un enfant qui ne voudrait pas lâcher le bord de la piscine
et nager.
Osez !
Il n’y a jamais d’erreur dans les
figures centrées. Tout ce qui est présent l’est forcément dans un but. Cela reprend
l’idée première des cercles centrés représentant l’Univers. Une tache ? Ne
la cachez pas, elle a aussi le droit d’être là. Car tout ce qui est dans le
contour fait partie du tout. Il est question ici d’acceptation de ce que nous
sommes, défauts y compris, et de ce que la vie et le monde est, souffrances
également comprises.
Un futur article viendra sur la
réalisation des mandalas, des exercices, des méthodes et des exemples. En
attendant, à vos pinceaux !
Mathilde Pérignon