lundi 18 avril 2016

Notes de ma Conférence sur le Mouvement en Art Thérapie - Welcome Bazar - Lagny sur Marne - 17/04/16


Conférence sur le mouvement en Art Thérapie

Présentation

En formation d’art thérapie à l’INECAT. Comédienne et peintre. Licence de mise en scène et de scénographie et Beaux-arts de Poitiers. Exerce en EHPAD, avec des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, en addictologie en CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Préventions en Addictologie) ainsi qu’en CMPA (Centre Médico Pédagogique pour Adolescents). J’utilise principalement les arts plastiques, le théâtre et la danse dans mes accompagnements.

·        L’art thérapie ce n’est pas :
-Du coloriage. Pas d’interprétation des œuvres. Pas dans l’esthétique. Pas dans la performance.

·        Aparté rapide sur les cahiers coloriages et « mandalas » en vente sous le nom d’art thérapie : Le coloriage peut détendre, c’est bien, mais pour que thérapie il y ait, il faut la présence d’un thérapeute. Ce serait comme lire un livre de développement personnel et dire que nous avons fait une psychanalyse…

·        Mandala, utilisé en art thérapie, introduit en occident et en thérapie par le psychanalyste C. G. Jung. Seulement, il n’est pas question que coloriage, de remplissage esthétique et sans dépasser. Très scolaire en soi.

·         Je reviendrais plus tard sur mon utilisation du mandala. (Proposition d’aller lire mon article sur mon blog).

- L’art thérapeute est lui-même en mouvement. Il accompagne la personne dans son voyage avec elle-même et donc dans son mouvement intime et intérieur. Cela passe par l’utilisation des différents médiums artistiques.

- L’art thérapeute est dans l’instant présent et dans le mouvement de chaque personne qu’il accompagne en thérapie. 


Le Mouvement intime dans l’accompagnement en ArtThérapie


La personne devient objet de sa souffrance

·        La personne n’est pas capable de se différencier de sa souffrance et de cette image négative qu’elle s’est construite. Sa souffrance, prenant le pas sur toute sa vie, sur sa relation au monde et aux autres, devient empirique. Elle est partout où la personne pose les yeux et se projette.   

Objet : Chose que l’on prend, que l’on déplace, que l’on utilise, et qui n’a pas de réaction propre.         

Fait partie de la phase où la personne, prenant conscience de sa souffrance, décide d’entamer une thérapie et de se faire aider pour cela. Point de départ de l’accompagnement.


La personne devient sujet de sa souffrance.

·        Par ses créations, elle va prendre en main l’énonciation, le récit qu’elle fait d’elle-même. Elle prend un peu de recul sur son ressenti et ce qu’elle vit.

·        L’émergence de ces formes sera toujours dans le symptôme mais en les exprimant symboliquement dans ses œuvres, la personne va peu à peu mettre de la distance entre elle et sa souffrance.

·        Elle va pouvoir observer ses productions. Le regard induit de la distance. Nous ne pouvons voir entièrement une forme si nous sommes à l’intérieur, ici la souffrance. Dessiner une forme et l’observer, va développer cette prise de distance. A soi, dans un premier temps. Et ensuite, logiquement, avec l’objet de souffrance.

·        De cette nouvelle distance va pouvoir naître une discussion. Entre la personne et sa création. Avec l’introduction de ce duo (création et personne), cette dernière ne se retrouve plus dans un échange auto-analytique. C’est-à-dire qu’elle rompt le cercle vicieux dont elle était habituée. L’art thérapeute la fait doucement avancer dans cette découverte d’elle-même à travers ses créations.  

·        Il est nécessaire d’avoir une tierce personne dans cet échange afin de ne pas retomber dans un cercle vicieux. La personne pouvant faire l’analyse erronée de ses productions. L’art thérapeute, avec sa vision extérieure (et de professionnelle) va accompagner la personne là où elle ne se pensait pas.

·        L’art thérapeute est un médiateur, c’est-à-dire qu’il intervient pour faciliter la communication et pour faire avancer le dialogue. Ici, de la personne à elle-même. Le discours n’étant pas parlé mais créatif.


La personne devient sujet de ses créations.

·        Nous arrivons à la fin du processus de création. Après avoir exprimé son mal être, sa souffrance, ses troubles dans ses créations, la personne se reconstruit. Elle apprend à vivre sans le récit dont elle était l’objet.

·        Il n’est pas rare qu’à ce moment-là, la personne se surprenne elle-même dans ses créations. Comme si des formes, des mouvements, émergés d’elle et qu’elle les découvrait une fois « posés » devant elle. C’est la rencontre de soi à travers la création. C’est une partie d’elle-même qui s’exprime enfin, libérée de toute cette souffrance qui la maintenait muette. 

·        Le rôle de l’art thérapeute va alors d’accompagner la création de nouvelles bases solides. Travailler sur l’estime de soi, la narcissisation, le rapport au monde et à l’Autre, etc. Son travail va être d’aider la personne à se reconstruire une image narcissique positive d’elle-même.
Nous retrouvons le mouvement de ces 3 étapes dans les créations artistiques des personnes accompagnées en art thérapie.

Vignette de Mme P.


·        Résumé d’un suivit. Présentation de différentes productions afin de montrer le mouvement intime et physique de la personne durant son accompagnement. Présentation des moments clés et charnières de l’accompagnement.

·        Je ne divulgue pas le nom de la personne accompagnée pour conserver son anonymat, mesure nécessaire et déontologique.

·        Formes prédessinées, faites pour être dépassées et comme support de départ. La personne est prête à passer à la feuille blanche lorsqu’elle dépasse et s’approprie l’espace. Le cadre de mon atelier est basé sur le dépassement du cadre  (pour ces personnes à qui l’on répète qu’elles ne sont plus capables à cause de l’âge et de la maladie. Permet de sortir de cette image négative d’elles-mêmes qu’elles se sont appropriées)


1.     Au début : Mme P. ne veut pas créer. Elle me dit qu’elle ne sait pas, qu’elle n’a jamais su. « Je ne suis bonne à rien ». On voit clairement qu’elle est objet de sa souffrance, ici l’image de sa maladie et que lui donne la société. Se plaint de douleurs. Reste cependant en atelier avec nous et observe les autres. Déjà beaucoup, et un mouvement intime commence déjà à ce moment-là.


2.     

Un jour, alors qu’il manque une participante, elle se saisit de la feuille de la personne absente. Nous faisons un premier travail de mémoire sur la prise en main du feutre, le nom des couleurs. Ses mouvements sont petits et hésitants. Les formes dessinées sont aussi là pour être dépassées.


3.     

Là, elle dépasse franchement. Elle ne respecte plus le cadre du dessin. Elle s’est approprié  le mandala. A passer outre les formes pré-dessinées. Ses mouvements sont plus amples, un peu plus fluide mais toujours hésitant. Elle est prête à passer à la création de son mandala.


4.     

Exercice des 4 saisons. Cercle séparé en 4 parties, chacune correspondant à une saison, dans le sens où le veut la personne. Le but à ce moment-là, que je ne divulgue pas à la personne, et de faire en sorte qu’au fur et à mesure des ateliers, elle finisse par dépasser le cadre du cercle. Nous voyons ici qu’elle est toujours hésitante pour ce qui est de remplir entièrement le cercle. Elle se plaint soudain de douleurs physiques et ne veut plus créer. Elle se lève et part. Pendant plusieurs ateliers, nous continuons ce genre d’exercices.


5.     

Dépassement du cercle. Point charnière dans l’accompagnement. Madame P. se redresse sur sa chaise et son regard se fait plus perçant et vif.


6.     

Utilisation de nouvelles couleurs. Madame P. est plus active corporellement. Ses gestes sont plus vifs et mesurés/calculés et elle est davantage décidée dans les choix qu’elle fait. 
Première création où elle remplit totalement la feuille. Il s’ensuivra plusieurs. Je constate que cela arrive souvent. Cela fait partie de la découverte d’une partie méconnue, oubliée, de soi, dont je parlais juste avant. La personne devient ici Sujet de sa Souffrance.



7.     

Autre création dense. Madame P. peint avec frénésie, rapidement, deux ou 3 création par atelier. Elle a retrouvé son équilibre et son sourire.


8.     

Nous voyons ici l’apparition de détails. De petits pointillés. Elle est également revenue à un dessin qui ne prenait pas toute la feuille. Ce mouvement d’ouverture « extrême » et de retour à une forme plus petite était nécessaire dans cet accompagnement. Ses mouvements sont plus lents mais mesurés et souples.


9.     

Nous arrivons enfin à la dernière étape de l’accompagnement. La personne comme sujet de sa création. Madame P. me fait quelque récit de ce qu’elle vient de créer. Il y a beaucoup de mouvement. De couleur. C’est un tableau, dans le sens de présentation d’une scène.


10.             

Ici, Madame P. utilise le blanc de la feuille. Elle n’en a plus peur, ce n’est plus simplement du vide, c’est une matière maitrisée et nécessaire à sa création.


11.                       

Je finis sur ce dessin de Madame P. Beaucoup de mouvement. Le tableau est composé de plusieurs espaces qui s’articulent les uns aux autres.


Je remercie Le Welcome Bazar pour son accueil. 

Mathilde Pérignon